Intie Eco Lodge- Pérou – A 4h d’Iquitos en plein cœur de la jungle
Iquitos est la plus grande métropole accessible uniquement par les voies fluviales et aériennes. A 4h de là en plein cœur de la jungle se situe Intie, une lodge créé de toute pièce par Anne (29 ans à l’époque) et de volontaires dans le but d’un tourisme durable et en harmonie avec son environnement.
Pari réussi pour cette jeune Française qui me donne envie de la rejoindre !
Entre soleil et pluie nous sautons dans la barque qui nous conduit tout droit dans l’imaginaire de Moogli. Seul le bruit du moteur dérange la beauté paisible de ce paysage extraordinaire. Déjà des papillons gros comme ma main font leur apparition dans un ballet de couleurs vives, j’aperçois quelques vautours et toujours ce ciel si bleu, immense dans lequel j’aime tant me perdre. Hélas le brouhaha du moteur prévient les animaux de notre présence, nous n’aurons pas la chance de voir, tapirs, singes et autres habitants. La jungle est une grande dame discrète qui demande à ne pas être dérangée durant ce qui ressemble à une sieste éternelle. Les animaux sont ses protégés et sont tout aussi pudiques et réservés.
Suivant la course du soleil nous arrivons après 2h de navigation dans le jour qui décline à une berge de sable blanc comme du sel. Nous accostons et sortons nos sacs à dos ainsi que les provisions pour la semaine. Sa majesté la jungle nous accueille à sa manière en nous envoyant ses soldats les plus redoutables et insignifiants qui soient, histoire de nous rappeler qu’ici nous sommes sur son territoire et que nous nous devons de devenir humbles face à elle. C’est donc dans une attaque en règle de moustiques que nous parcourons nos premiers mètres à pied dans cette forêt luxuriante.
Au briefing ayant eu lieu précédemment à l’hôtel, Anne avait proposé une cabane sur pilotis hors de la zone de camps et des dortoirs, pour le plus vaillant d’entre nous. Non pas que je me sois sentie vaillante, mais dans mon imaginaire j’avais vu cette cabane au milieu des arbres. Naturellement j’ai levé la main dans l’espoir de ne pas avoir à batailler pour m’y installer sans bien savoir à quoi m’attendre mais trop heureuse de savoir qu’elle n’existait pas que dans mon imagination. Je fus étonnée de constater que je bataillais toute seule pour y séjourner… Sans prendre le temps de visiter les dortoirs à mon arrivée pour ne pas revenir sur ma décision, je m’enfonçais un peu plus hors du camp dans un dédale de racines, de feuilles de gadoue et de toiles d’araignées.
Voici qu’apparaissait après 5mn de marche un plancher de bois sur pilotis (sans murs), un toit de feuilles tressées : Ma cabane ! J’y déposais mes 20KG de sac et me hâtais de déplier ma tente sous les baisers sauvages des soldats de sa majesté. Je sentie la panique me gagner lorsque je compris que j’avais mal monté le second toit de la tente. Il me fallait défaire et refaire avant d’entrer dans mon domaine, accepter pour cela quelques minutes de plus aux prises avec mes prédateurs de chair et de sang, invisibles dans la nuit qui tombait. Je m’arrêtais, respirais, inspirais et recommençais lentement, pour ne pas avoir à recommencer encore. J’installais ensuite mon matelas et fermais la moustiquaire avec un plaisir non dissimulé. J’étais dans mon domaine, quelques mètres carrés de tente au cœur de la jungle. Avec ses bruits de grenouilles, ses cris d’oiseaux, le bruit de la pluie dans les feuilles. Je respirais dans le poumon du monde avec la certitude que la grande dame ne me voulait que du bien.
Nous nous levons avec le soleil à 6h ! J’ai très bien dormi ! Nous avons 1h pour le petit déjeuné avant de commencer la matinée de travail. Je me contente d’un café alors que j’en bois rarement en Europe. Les habitués se font des pancakes locaux dans la cuisine ouverte à même la terre battue qu’ils garnissent d’œufs ou de bananes et de pommes. Distribution des taches et briefing avec Manuel, chef de chantier, un Italien « Empéruvianisé ». Au choix :
- Mescla : Il s’agit d’un mélange de terre d’argile rouge, de sable blanc et d’eau qu’il faut pétrir avec les pieds. Retourner, malaxer encore jusqu’à ce que tous les ingrédients soient parfaitement mélangés et homogènes comme une pâte brisée pour le dessert. Ensuite on ajoute de la paille, le mélange se fait plus dense, mais il faut pétrir encore. Les jambes et les bras en prennent un coup ! Je m’enduis toute entière d’argile des pieds à la tête pour éviter les piqures de moustiques, ça a l’air de marcher…un peu !
- Tapissage : Avec la mescla de la veille, il faut recouvrir le mur de sacs de sable, ce qui formera une sorte de crépis naturel. On forme des bouses de terre, on les plaque contre les sacs et l’on malaxe avec les doigts pour faire tenir la motte. Les brins de paille aident au maintien de la motte suivante. Je prends un malin plaisir à trucider dans un juron 2 ou 3 vampires ailés dans l’écrabouillage d’argile !
- Ramassage de terre : Hormis les termites qui sont chassées de la Lodge à grand coup de pulvérisation, tout est écolo à Initie. La terre provient elle aussi de la jungle, tout comme le sable et la glaise. Il faut aller la chercher dans la forêt, sous les amas de feuilles et le maillage des innombrables racines. D’un mètre carré à l’autre on est sur de la glaise plus que sur de la terre, choisir son spot est affaire d’inspiration ou de connaissance. J’utilise la première option faute d’expérience et tombe sur un filon que Corentin m’aide vaillamment à élargir. Il faut ensuite porter les lourds sacs sur son dos en traversant la forêt pour les ramener à la Lodge afin d’en garnir les futures plantations d’ananas. Les moustiques sont partout, en nuée, en troupeau, par grappe, en formation, dans le cou, sous le t-shirt, dans les bottes. Même le fameux DEET ne peux rien pour nous. Les vêtements sales et détrempés de sueur collent à la peau, ils font penser aux vêtements utilisés dans le désert malgré les températures extrêmes pour garder la fraîcheur. Il est vrai que malgré le soleil et la sueur, sans les manches longues, le pantalon et les bottes de caoutchouc nous ne tiendrions pas bien longtemps face aux démangeaisons qui nous attendent.
- Cuisine : Nettoyer la cuisine pour éviter les rats, changer les bassines d’eau pour la vaisselle (pas d’eau courante, ni d’électricité dans le camp), aller chercher de l’eau potable au tank, faire la cuisine pour 17 personnes avec les ingrédients du bord. Pas question d’aller au supermarché chercher le « ca » qui nous manque, ni de fermer les fenêtres pour éviter fourmis piquantes (pires que les piqures de moustique mais plus rares), abeilles de nuit (qui volent le jour mais qui piquent aussi), et autres insectes volant non identifiés.
Vous l’aurez compris le danger dans la jungle ce sont les moustiques et les fourmis ! Les autres animaux ne se donnent pas la peine de nous effrayer. Oubliez les serpents et autres tarentules qui peuplent vos fantasmes. D’ailleurs il y a bien une grosse tarentule qui a élu domicile dans la seule et unique douche du camp, ce qui fait que nous ne cherchons même pas à éviter qu’elle nous mate en tenue d’Eve du moment qu’elle reste bien sage sur son poteau et qu’on peut la mater nous aussi sans la déranger, ni se faire piquer !
Pour ma part j’ai pris le parti de me doucher toute habillée afin de laver mes vêtements en même temps que moi. Je bénis l’achat de mon t-shirt North Face (pour ne pas le citer) qui sèche en un temps record, me protège des UV et assure un service anti-odeurs à toutes épreuves !
Je passerai chaque jour à l’un des ateliers. Ces quelques heures de boulot sous le soleil ou la pluie sont éreintantes, je me demandais si mon corps suivrait... Il suit ! Après un repas végétarien et une bonne sieste, place au yoga. Ceux qui veulent se joindre à moi sont les bienvenus. Là encore la méditation peut s’avérer une épreuve de foi et de patience…les moustiques ne lâchent pas. Moi non plus ! Et j’ai besoin de ces exercices pour tenir physiquement et mentalement.
Apres un dîner aux chandelles, à 21h tout le monde va se coucher, je regagne ma tente dans la nuit noire sans crainte de mauvaise rencontre. Les étoiles et ma lampe frontale m’accompagnent. J’ai dû abandonner mes lunettes qui ne me servaient à rien pleines de buée. Peut-être que ça m’évite de voir des petites bêtes susceptibles de m’inquiéter sur le chemin marécageux. C’est parfait !
Les journées sont trop courtes et denses pour me permettre d’écrire, le sommeil m’appelle, la jungle me berce doucement de ses bruits, je m’endors paisiblement.
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